Bon ben je profite de cette période d'acalmie profonde du forum pour mettre ce texte. J'y tiens beaucoup pour une obscure raison. Il est un peu long, désolée.
So, voici. Si vous avez des commentaires, ça fait toujours plaisir.
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L'infirmier vient tout juste de quitter ma chambre. Dommage, il était mignon ce jeunot...et quelles fess...! Il est venu m'éveiller et m'apporter mon déjeuner qui semble toujours appétissant (beurk !). Au moins, il a eu la gentillesse d'ouvrir le rideau.
Une douce lumière caresse le désert aride qu'est ma peau. Je tourne mes yeux vers la fenêtre. D'ici, j'aperçois la ville basse avec ses arbres et ses fleurs colorées. Au loin, le pont se fait bronzer. C'est parti pour être la journée idéale pour ça d'ailleurs; le ciel est si clair. Enfin ! Il a plu ces trois derniers jours. Je te laisse donc imaginer le bonheur que peut me procurer le beau temps. C'est bienfaiteur pour une vieille âme comme la mienne. Et me voilà fixant bêtement l'horizon.
Depuis quelque temps, je me plais à regarder à l'extérieur. C'est dans ces moments que je me sens en paix avec moi-même. Et alors, je me sens renaître. Je me sens rajeunir. Et alors, des images m'apparaissent. Des images anciennes: des souvenirs. Et alors, je me rappelle.
Je me rappelle de mes jeunes années. Ces années de bonheur naïf. Ce bonheur parfait. Ce bonheur idéaliste. Ça me rappelle mes années de scolarité au secondaire. C'était en 2001 si ma mémoire ne me trompe pas. Ça fait si longtemps ! Je me souviens à quel point j'appréhendais mon entrée dans ce milieu inconnu. Durant ces cinq années, j'ai appris à découvrir en moi certains aspects de ma personnalité. Et j'ai appris à découvrir d'autres personnes; à m'en faire des amis. Puis, j'ai dû partir. Quitter tout ce que j'ai connu, tout ce qui m'a vue grandir. Quitter ceux qui m'ont accompagnée ces cinq dernières années. Quitter ceux qui ont fait de moi celle que je suis, pour le meilleur comme pour le pire. Je me souviens d'eux. Il y avait Émilie, Joanie, Nathann, Annik, Benoit, Pascal, Steve et Vincent. Et ceux que le temps de m'a pas permis de connaître suffisamment: Janik, Lauri, Adrien, Benoît, Raphaël, Hugo… Je leur dois beaucoup. Ils m'ont fait comprendre que la confiance se regagne, qu'on a droit à une seconde chance. Que le ridicule n'a jamais tué. Qu'il y a toujours de l'espoir, même lorsque l'on n'y croit plus réellement. Que sa propre tristesse n'est rien comparativement aux souffrances du monde entier, mais qu'elle peut tout de même être douloureuse et déchirante. Qu'on ne peut pas toujours être parfait. Qu'on ne peut pas toujours se montrer fort; une larme n'est pas nécessairement synonyme de faiblesse. Qu'il faut voir les choses avec optimisme, même si cela semble difficile. Qu'il ne faut pas se cacher derrière un masque, ne pas avoir peur de se montrer tel que l'on est, Qu'il y aura toujours quelqu'un qui connaîtra pire que toi. Que la rancune n'est jamais éternelle. Que rien n'arrive pour rien. Qu'il y aura toujours quelqu'un pour t'aimer.
Je ne m'en étais pas rendue compte à l'époque. Mais aujourd'hui, près de cinquante ans plus tard, j'ai enfin compris. Et j'aurais tant dû, tant voulu les remercier tous pour ce qu'ils sont. Aujourd'hui, si j'avais la chance de leur reparler, je leur dirais: «Merci. Merci mille fois.» Les remercier d'être tous si exceptionnels à leur manière. Ils me manquent aujourd'hui. Ils m'ont tellement manqué le reste de ma vie.
Et je suis partie sans leur dire tout ça. Et ensuite…ensuite…ensuite…
J'ai un blanc. Je ne me souviens plus…
Mes souvenirs s'embrouillent. Ils sont flous. Bientôt, ils n'existeront plus. Et je m'éteindrai avec eux. Je le sais.
Me voilà affligée dans la pire des maladies: l'oubli.
Marie-Eve Bourgoing Alarie
04/07/2056
(merci...
)